Sardine ma copine
Est morte sur le coup
Et cela me chagrine
Car je l’aimais beaucoup
Sardine ma copine
A fini tristement
Écoutez ma comptine
Et vous saurez comment.
C’était une sardine
Qui souffrait dans le fond
De sa vie sous-marine
D’un ennui très profond
« Tandis que je m’embête
« En pleurant sur mon sort
« Pour aller à la fête
« Pourquoi le hareng sort ?
« Pourquoi m’est interdit
« Tout ce que je convoite ?
« Ce qui est dit est dit :
« Ce soir je vais en boîte »
Et la voilà partie
Avec son baluchon
« À moi la belle vie,
La vie de patachon ! »
Direction Chez Régine
Elle va s’éclater
Et danser la biguine
Et puis boire et chanter.
Mais arrivée sur place
C’est la désillusion
Son sourire s’efface
Devant une inscription.
Au-dessus du portique
Du haut lieu polisson
Un panonceau indique
« INTERDIT AUX POISSONS »
La pauvre créature
Se voit barrer l’accès
D’une large carrure
Sous un regard mauvais.
Sardine la fêtarde
Va-t-elle abandonner ?
Oh que non ! La moutarde
D’un coup lui monte au nez
Et les insultes fusent
Sardine a beau pleurer
Le malabar refuse
De la laisser entrer.
Rôdant dans le quartier
Un sale énergumène
Maquereau de métier
Profite de l’aubaine
Ce thon au naturel
Pas très recommandable
Y voit un don du ciel
Une manne incroyable
Alors il s’interpose
Jouant les grands seigneurs
Et très vite propose
De la mener ailleurs.
Pourléchant ses babines
Il prend Sardine à part :
« Suis-moi on se débine,
Lui dit le salopard.
« Je connais une boîte
« Juste comme il te faut
« Tout à fait adéquate
« Bien qu’elle ait un défaut
« Son entrée est très basse
« Prévient le maquereau,
« Tu auras qui dépasse
« Une tête de trop ».
Sardine est bien crédule
Et ne se méfie pas
De l’infâme crapule
Elle emboîte le pas.
Dans un sombre quartier
Favorable à son crime
L’infâme thon entier
Entraîne sa victime
Quant à ce qu’il advint
Vous devinez la suite
Faut pas être devin
La carotte était cuite
Un couteau de cuisine
Apparut tout à coup
Dont la lame assassine
A frappé l’étroit cou.
D’un destin misérable
Elle a tranché le cours
« Et maintenant à table
Fini les beaux discours ! »
Sardine au soir venant
Ainsi fut satisfaite
Dans sa boîte en fer-blanc
Le thon lui fit sa fête.
L’agape fut divine
Pour notre ripailleur …
Mais, comme on dit, Sardine
Avait la tête ailleurs.
M.S, août 2001